Interdite ? Pas exactement puisqu’elle est autorisée du coucher au lever du soleil, drôle d’horaire pour une baignade me direz-vous, et pourtant … On imagine bien que cette décision n’a pas aidé à diminuer la mortalité, les bains de nuit dans les vagues n’étant pas vraiment recommandés aux mauvais nageurs, sans parler des requins qui profitent goulûment de l’obscurité pour faire leur marché.
Les premiers surfeurs, en maillot de bain à rayures et longboard sous le bras, commencent tout juste à rider leur première vague. Très vite conscients des dangers que représente l’océan pour les amateurs, ils mettent leur expérience au service de la communauté et viennent en aide aux imprudents en même temps qu’ils prodiguent leurs conseils avisés.
Très vite, des petits groupes structurés se forment pour donner naissance, en 1903 à Manly Beach, au Surf Life Saving Club. Premier d’une longue série, celui de Bondi Beach apparaît en 1906, ces clubs rassemblent aujourd’hui plus de 75 000 membres tous bénévoles, juste en Nouvelle-Galles-du-Sud.Bien que le sauvetage demeure la priorité absolue des membres, Surf Life Saving est aujourd’hui un réseau capable d’offrir des opportunités très variées à ses membres.
Souvent, les sauveteurs font leurs premières brasses dès 5 ans chez les Nippers, ils apprennent à nager et à décoder les dangers de l’océan en particulier les courants et autres baïnes, puis à 15 ans ils suivent leurs premiers cours de sauvetage et de réanimation. Huit semaines de formation sont nécessaires, sans compter qu’il est indispensable d’être un excellent nageur bien entraîné. Les voilà fins prêts pour leurs premières patrouilles.
Chaque saison, les sauveteurs surfeurs bénévoles passent plus de 650 000 heures à arpenter la côte autour de Sydney. Leur dévouement à la communauté et leur professionnalisme font des plages du Sud de l’Australie les plus sûres du monde.
Nick Nazval, membre à vie du Bondi Beach Surf Life Saving Club, m’annonce fièrement que son club rassemble 1400 membres, « chacun offre à la communauté une moyenne 34,9 heures de son temps par an. En 2018 nous avons pratiqué 490 sauvetages, dispensé d’innombrables premiers soins et donné des cours de prévention. » Encore plus impressionnant, quand on sait que les amis de Nick ne sont actifs que les week-ends et pendant les vacances sur la moitié nord de Bondi Beach, les patrouilles au sud étant assurées par un autre club jumeau. Par ailleurs, chaque jour les sauveteurs professionnels assurent une présence assidue du matin au soir.
Membre du club depuis son plus jeune âge, le très local Nick se souvient : « je passais mes journées à la plage à entrer et sortir de l’eau avec mes parents et mes frères. Mon plus vieux souvenir ? Un bateau de pécheur au milieu de la baie, il semblait tirer un poids énorme. En arrivant sur la plage un attroupement s’est formé autour de l’embarcation, un requin gigantesque au dos argenté, au ventre blanc, était étendu sur la plage. J’ai eu la sensation d’être minuscule face à un animal colossal et fascinant. »
Aujourd’hui, une bouée jaune se balance au milieu de la baie. Elle retient, quelques mètres sous la surface, un sonar qui prévient les sauveteurs si les dents de la mer se pointent dans le secteur. Ils évacuent alors la plage. Nick se veut rassurant : « le dernier accident grave a eu lieu il y a huit ans, quand un surfeur a perdu un bras suite à une attaque. Elles sont très rares, mais les requins rôdent toujours dans les eaux de Bondi, pourtant le plus souvent ils préfèrent se tenir loin de l’agitation des plages. Trop de surfeurs et de bateaux. »
Même si Bondi Beach est à seulement sept kilomètres du CBD (Central Business District) et de ses buildings, la vie ici est tournée vers l’océan et la nature. Les Australiens sont toujours en mouvements. « Personne ne reste assis devant la télé chez nous, on vit dehors, même si c’est juste pour marcher sur les chemins escarpés qui longent la côte. Regardez les gens autour de nous, leur silhouette, ils sont tous en pleine forme » me déclare un Nick exalté. Je ne sais pas comment le prendre, mais je confirme. Il est vrai que ces messieurs en short et ces dames en leggins, sillonnent la plage du nord au sud d’un pas vif et ça semble plutôt leur réussir au vu de leurs cambrures parfaites et de leurs cuisses dessinées.
Plus sérieusement, pour Nick, le Surf Life Saving Club, c’est une histoire Australienne, un moyen d’intégration à une communauté tournée vers les autres. « On compte aussi des femmes en Burkini dans le club » dit-il fièrement. Ouvert à tous, sans conditions aucunes, ces clubs se mettent au service des autres et sauvent des vies depuis maintenant plus de 100 ans.
Par Natacha Borri
